De nos jours, l’idée selon laquelle l’adultère n’est plus pris en considération dans le cadre d’une procédure de divorce est de plus en plus répandue.
L’article 212 du code civil est pourtant sans ambiguïté concernant les devoirs des époux : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
Il est vrai que depuis 1975 l’adultère n’est plus une cause péremptoire de divorce entrainant le prononcé automatique du divorce aux torts exclusifs de l’époux fautif. Néanmoins, les différentes réformes intervenues sur le divorce n’ont pas supprimé le divorce pour faute.
En effet, l’article 242 du code civil dispose « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
C’est alors aux magistrats d’apprécier la gravité de la faute au cas par cas.
L’adultère : une faute susceptible d’être suffisamment grave pour entrainer le prononcé d’un divorce.
Le juge aux affaires familiales dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour retenir ou non l’adultère comme une cause justifiant le divorce. Le magistrat prendra notamment en considération l’attitude de l’époux à l’origine de la demande de divorce ainsi que d’éventuelles autres causes pouvant justifier la séparation et notamment la présentation d’un constat d’adultère.
Quels sont les critères d’appréciation du juge pour qualifier une faute grave ?
L’article 242 du code civil pose deux conditions (non cumulatives) et un lien de causalité permettant le prononcé d’un divorce pour faute :
- Un critère de répétition : l’adultère doit constituer une violation des devoirs et obligations du mariage renouvelée, c’est-à-dire qu’il doit avoir été constaté à plusieurs reprises.
- Un critère de gravité : L’adultère doit constituer une violation grave des devoirs et obligations du mariage. Ainsi certaines circonstances pourront atténuer le caractère de gravité (cf : Quels sont les cas dans lesquels le magistrat ne retiendra pas l’adultère pour prononcer un divorce pour faute ? – ci-dessous).
- Un lien de causalité : l’une des deux conditions énoncées ci-dessus doit rendre le maintien de la vie commune intolérable.
Quels sont les cas dans lesquels le magistrat ne retiendra pas l’adultère pour prononcer un divorce pour faute ?
L’époux ou l’épouse à l’origine de la demande de divorce se livrant lui-même à une infidélité (avant ou après l’ordonnance de non-conciliation) pourra se voir également reprocher sa faute. Le magistrat pourra alors prononcer un divorce aux torts partagés (cf jurisprudence : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 avril 2018)
De la même manière, le cas des époux adeptes du libertinage ne pourrait donner lieu au prononcé d’un divorce pour faute lié à l’adultère. En effet, les mœurs d’un tel couple entrainent nécessairement l’absence de gravité à la faute.
Il est également admis qu’en cas de réconciliation (maintien de la vie commune et/ou éléments permettant de démontrer une volonté de pardonner à l’époux ayant eu une relation adultère) le divorce pour faute ne peut pas être demandé. Il en va bien évidemment autrement lorsque le maintien de la vie commune est commandé par des nécessité pratiques ou financières.
Comment rapporter la preuve d’un adultère ?
La charge de la preuve incombant au demandeur il appartiendra à l’époux ou l’épouse qui sollicite le prononcé d’un divorce pour faute d’apporter des éléments permettant au juge d’apprécier sa demande.
Ainsi l’article 259 du code civil dispose : « Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux ».
Plusieurs possibilités s’offrent alors au demandeur d’un divorce pour faute pour rapporter la preuve de l’adultère :
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Recueil de témoignages : Il s’agira d’obtenir des attestations respectant les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Il est souvent assez compliqué d’obtenir ce type d’attestation. En effet, une attestation en bonne et due forme doit respecter un formalisme (identité de la personne qui atteste / Photocopie de la CNI de la personne qui atteste / informer la personne qui atteste que son attestation sera produite devant une juridiction). Par ailleurs, il peut s’avérer délicat de demander à des proches de rédiger une attestation (risque de placer le témoin dans une situation de porte à faux). Rappelons enfin que l’article 259-1 du code Civil fait interdiction aux descendants de témoigner sur les griefs invoqués par les époux.
- Récupérer des échanges numériques : Des emails, courriers manuscrits ou SMS pourront constituer des preuves d’un adultère. Attention cependant à veiller à ce que ces échanges aient été obtenus sans violence ou fraude. A titre d’exemple, des emails obtenus en dérobant un ordinateur n’appartenant pas au demandeur seront considérés comme ayant été obtenus frauduleusement. Le recours à un constat d’huissier est souvent le seul moyen de donner force probante à ce type de preuves. En pratique, ce type de constat est difficile à organiser.
- Faire procéder à un constat d’huissier : Cette pratique rare pourra être organisée à la condition d’avoir un maximum d’informations sur les lieux et horaires de rencontre entre l’époux adultérin et son partenaire. En effet, l’huissier de justice n’a pas vocation à enquêter en amont pour préparer son constat. Il conviendra donc de lui fournir tous les éléments qui lui permettront de dresser son constat.
- Recourir aux services d’un détective privé : Il s’agit du moyen de preuve de l’adultère le plus sûr et efficace. En effet, le détective privé est un professionnel de l’enquête civile dont les rapports sont considérés, par la jurisprudence, comme un moyen de preuve recevable.
Le détective privé est tenu au secret professionnel et garantit au demandeur un travail réalisé en toute confidentialité. En outre, il pourra préparer l’intervention de l’huissier de justice si le demandeur le souhaite.
Les conséquences liées à la preuve d’un adultère :
Rapporter la preuve d’un adultère peut entrainer plusieurs conséquences :
En 1er lieu le divorce sera susceptible d’être prononcé aux torts exclusifs de l’époux ayant commis la faute.
Le juge aux affaires familiales pourra alors octroyer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral subit par l’époux ou l’épouse trompé(e). Ainsi l’article 266 du code civil dispose « lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint, des dommages et intérêts peuvent être accordés à l’autre époux en réparation du préjudice moral lié aux conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage ».
Plus important, apporter la preuve d’un adultère pourra avoir des conséquences sur le montant de la prestation compensatoire. Ainsi, une prestation compensatoire pourra être revue à la hausse, à la baisse ou tout simplement supprimée. En effet, le juge pourra estimer que l’époux fautif, du fait qu’il partagera la vie d’une autre personne à l’issue du divorce, ne se retrouvera pas dans une situation de précarité nécessitant le versement d’une prestation compensatoire.
Enfin, l’obtention d’un divorce prononcé aux torts exclusifs d’un des deux époux permettra à celui qui ne se trouve pas dans une situation fautive de réclamer le remboursement des frais d’avocats et/ou d’enquêtes (article 700 code de procédure civile).